Messieurs Ma, père et fils by LAO SHE

Auteur:LAO SHE
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Philippe Picquier
Publié: 2012-01-19T00:00:00+00:00

Dans la cuisine, Mary, Napoléon dans les bras, parlait à sa mère :

— Maman, j’ai trouvé le chapeau chez Camay dans Oxford Street. Nous en achetons chacune un, d’accord ?

— Mary, nous n’avons pas d’argent à jeter par les fenêtres. Passe-moi le sucrier.

Le petit nez de Madame Window était rougi par la proximité du fourneau. Elle ajouta sèchement :

— Est-ce que nous ne partons pas en vacances ? Si nous dépensons notre argent pour acheter des chapeaux, ce n’est pas la peine de partir. Un chapeau comme ça coûte au moins deux livres !

Ayant mis une cuillère de sucre dans les légumes, elle s’exclama :

— Arrête de me déranger ! Tu me fais faire des bêtises ! J’ai mis…

— On ne peut pas partir voyager sans avoir un nouveau chapeau !

Pour mieux souligner cette affirmation, elle serra si fort les pattes de Napoléon qu’il faillit hurler de douleur mais il n’osa pas. Il pensa : « Si elle ne t’achète pas ce chapeau, je vais y laisser ma peau ! Quelle chance d’être un chien ! On n’a pas de problèmes de chapeaux ! »

— Nous en reparlerons après manger, Mary. Ne serre pas le chien comme ça !

Quand le vieux Ma revint, le dîner était déjà servi. A midi, il était allé au restaurant chinois où il avait mangé un bol de soupe aux nouilles. Il s’était ensuite rendu au magasin où il avait fumé solennellement quelques pipes. Son intention première avait été de s’attaquer à nouveau à l’agencement du magasin mais, se rappelant qu’il était convalescent, il avait jugé préférable de ne pas entreprendre une besogne aussi fatigante. Toutefois, rester totalement inactif ne lui avait pas semblé correct. Il avait donc ouvert les registres comptables. Le mois dernier laissait apparaître une perte de quinze livres. En revanche, au cours des deux mois précédents, ils avaient fait un bénéfice de quarante livres. Il remit les registres à leur place. A quoi bon s’inquiéter ! Gagner de temps en temps, perdre de temps en temps, c’était la loi du commerce. On ne pouvait pas toujours faire du bénéfice !

Le repas terminé, alors que Mary s’apprêtait à reprendre la discussion avec sa mère, le vieux Ma lui fit un signe de tête et dit en lui tendant une enveloppe :

— Mademoiselle Window, ceci est pour vous.

— Oh, Monsieur Ma ! Un chèque de deux livres ! Pourquoi ?

— Je vous avais promis de vous acheter un chapeau, n’est-ce pas ?

— Formidable ! Maman ! Un chapeau !

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